VOYAGE D`UNE PARISIENNE A LHASSA
ALEXANDRA DAVID-NEEL
INTRODUCTION
Huit mois de pérégrinations accomplies dans des conditions inaccoutumées, à travers des régions en grande partie inexplorées ne peuvent se raconter en deux ou trois cents pages. Un véritable journal de voyage exigerait plusieurs gros volumes. L`on ne trouvera donc, ici, qu`un résumé des épisodes qui m`ont paru les plus propres à intéresser les lecteurs et à leur donner une idée des régions que j`ai traversées et des populations auxquelles je me suis mêlée de façon intime en tant que chemineau tibétain.
Cette randonnée vers Lhassa sous le déguisement d`une pèlerine médiante n`est, du reste, elle-même, qu`un épisode de longs voyages qui m`ont retenue en Orient pendent quatorze années successives. La genèse de ceux-ci serait hors de place dans cette introduction, toutefois, quelques explications touchant les raisons qui m`ont amenée à choisir un déguisement singulier pour me rendre à Lhassa me paraissent s`imposer.
J`avais déjà fait un séjour en Asie quant, en 1910, j`obtins une mission du ministère de l`Instruction publique pour retourner dans l`Inde.
L`année suivante, me trouvant près de Madras, j`appris que le souverain du Thibet, le Dalai-lama, avait fui son pays – alors en révolte contre la Chine – et résidait dans l`Himalaya.
Le Thibet ne m`était pas absolument étranger. J`avais été l`élève, au Collège d France, du professeur Ed. Foucaux, un savant thibétanisant, et possédais quelques notions de littérature thibétaine. On le comprend, je ne pouvais laisser échapper cette occasion unique de voir le Lama-roi et sa cour…